[DE CE MONDE] Nathalie Sizaret, la vibration de l’ange

C’était en été. « Autour du 15 août », précise la peintre Nathalie Sizaret. Une vieille connaissance la recontacte pour lui passer commande d’une madone de deux mètres de haut. Pour l’artiste, c’est un cadeau du ciel – « je n’avais plus un sou pour finir l’année ! » Elle rentre à son atelier, agrafe une toile au mur et peint inlassablement pendant dix jours, malgré les quarante degrés ambiants. « Ce fut une épiphanie, un moment intense de joie et d’émotion, se souvient-elle. Ça me réveillait à cinq heures du matin. J’étais tellement dans mon élément ! Je me sentais dans le juste, connectée au sacré. Pas une seconde je n’ai eu peur qu’elle ne plaise pas à son commanditaire. »

Nathalie Sizaret a toujours su qu’elle serait peintre. « C’était en moi très tôt, livre-t-elle. Jeune ado, alors que j’étais encore loin de ma vie, j’ai rêvé que j’avais une fille et qu’elle était fière de moi parce que j’étais peintre et qu’elle allait à l’une de mes expositions. » L’artiste a aujourd’hui une fille et vit de ses pinceaux. « Aux Beaux-Arts de Paris, où j’ai passé six ans, j’ai fait de la figuration libre, de grands portraits très enlevés, se rappelle-t-elle. J’avais envie de travailler comme Michel Ange et de représenter des choses. » Mais la pression du milieu de l’art la fait se tourner vers le peinture abstraite. « J’y ai trouvé des éléments intéressants, note-t-elle, mais je sentais bien que la figuration voulait s’imposer. Je luttais, parce que je me disais le marché n’en voulait pas. » Jusqu’à ce qu’un jour de 1991, un ange apparaisse sur sa toile. « Il n’y avait que moi qui le voyais », précise-t-elle, mais elle en saisit le sens : l’ange est cet « entre deux », entre corps et espace, qui lui permet d’être à la fois dans la figuration et dans le symbole. Alors elle « laisse venir »…

Dévoiler des présences

Au fil du temps, les anges se multiplient et ne la quittent plus. « Je peins à la façon des tâches de Rorschach, détaille-t-elle. Je pose mes couleurs, puis je les travaille. A un moment, je perçois une forme dont je délimite les contours, pour la faire apparaître à l’œil de l’autre. » A mesure qu’elle la précise, des ressentis s’imposent. « Il m’arrive parfois, par exemple, de ramer sur la représentation d’une main, explique-t-elle. Je m’escrime et puis soudain, la main se tourne. C’est là. Dans ma tête je dis : “Ah oui, c’est comme ça que tu souhaites être. Ok, d’accord, merci !” » Ainsi, malgré elle, au gré de la toile, un visage se penche, un buste se place de trois-quarts… « C’est comme si le tableau était habité et qu’il se composait tout seul, poursuit-elle. Je maîtrise la technique, j’ai du métier, mais il m’arrive de penser que si j’étais seule sans ces présences, je ne serais pas un si bon peintre. Les regards et les positions des corps me sont donnés. Ce n’est qu’une succession de miracles. »

Plus elle avance dans son travail, plus ses visions sont fortes et précises. Et plus elle se sent animée d’une volonté de « manifester » ce qu’il lui est donné de transmettre. « Un jour, j’ai voulu arrêter de peindre des anges par c’était presque trop, confie-t-elle. Mais impossible, je ne pouvais faire que ça ! » Sur certaines de ses toiles, les plumes des ailes se révèlent d’une finesse incroyable. « La première fois, c’était pour un grand ange, vêtu d’un long manteau de plumes », raconte Nathalie Sizaret. A mesure qu’elle les peint minutieusement, « comme si chacune représentait le meilleur de nous-mêmes », elle sent son cœur s’accélérer et son être envahi d’une émotion intense, bien au-delà du seul plaisir plastique. « Les plumes, pour moi, c’est la douceur, la chaleur, la protection, mais aussi le message et le lien entre le ciel et la terre, précise-t-elle. C’est tout ça que j’y ai mis ; tous les éléments possibles pour que ce monde soit doux, accueillant et aimant. » En octobre 2018, avant de trouver acquéreur, le tableau s’est retrouvé sur le plateau d’une émission de France 2. Baigné d’un rayon de soleil, il irradiait de sa présence.

Laisser passer l’énergie

Dans la vie de Nathalie Sizaret, chemins spirituel et artistique ont toujours été parallèles. « Ma mère était initiée au reiki, explique-t-elle ; elle m’en donnait lorsque j’étais enfant. C’est aussi elle qui m’a mis entre les mains Choisir la conscience de Sanaya Roman ou les ouvrages d’Anne Givaudan. Tout ça m’a nourrie. » La peintre est aujourd’hui elle-même maître reiki. « Dans mon métier, cela m’aide sans doute à me rendre disponible et à devenir canal – comme je laisse passer l’énergie en reiki, dit-elle. Quand on est artiste, il y a toujours des moments compliqués où l’on bloque, où l’on est en lutte. J’ai découvert que plus je lâchais, moins j’avais d’intention plastique et de prise sur ce que je voulais faire, plus ça venait. »

Nathalie Sizaret n’est pas de ces artistes qui, pour créer, ont besoin d’être malheureux ou de booster leur créativité à coups de substances. « Il m’est arrivé de peindre alors que je traversais une période difficile, se souvient-elle. C’était du bon boulot, mais curieusement, je n’ai vendu pratiquement aucune toile de cette période. La souffrance n’était pas visible dans les tableaux mais malgré tout, énergétiquement, ils étaient chargés. Ce n’était pas juste. » Elle, pour peindre, a besoin d’être alignée et en paix. « Juste là », la tête vide, à poser ses couleurs, laisser monter, faire confiance et se dire qu’à un moment donné, quelque chose va advenir. « Cela n’empêche pas les difficultés, nuance-t-elle. Exactement comme dans la vie, il y a des moments où ça foire, où ça patauge. Parfois même je me dis : “allez, pleure un bon coup !” Mais je peux être sûre quand je reprends, tout à coup, il se passe un truc. »

Effet transformateur

Ce « truc » agit pour elle, mais aussi pour ceux qui achètent ses toiles. « Beaucoup de gens sont attirés par mes anges, confirme-t-elle. Ils y réagissent très fort. » Quelque chose semble les nourrir, leur amener des réponses… « J’ai constaté qu’il se produisait systématiquement un changement dans la vie des personnes chez qui mon tableau arrivait, note-t-elle. Une femme m’a même dit que l’un d’eux lui avait sauvé la vie ! » Est-ce dû à la liberté que les gens se donnent en acquérant une œuvre qui leur a parlé ? Initie-t-elle un mouvement ? Est-ce la toile qui transmet la vibration dont elle est chargée ?

Avant d’être livrée à son commanditaire, la madone de deux mètres de haut est restée quatre mois dans la chambre de Nathalie Sizaret. « Elle prenait tout le mur, je la sentais vibrer, raconte-t-elle. D’habitude, je n’aime pas garder mes œuvres dans mon espace personnel, mais là, je vivais avec elle comme si ce n’est pas moi qui l’avait faite. Je dormais près d’elle, je faisais mon yoga et ma méditation sous elle. Je me sentais en prière avec elle tout le temps, j’avais envie de l’embrasser et de poser ma main sur la sienne. C’était une présence extraordinairement puissante d’amour inconditionnel. »

 Quand la madone a fini par partir, l’artiste s’est aperçue qu’elle lui manquait. « J’étais triste, admet-elle. Le mur est resté vide un moment. J’ai fini par peindre une autre madone, plus petite, puis le visage de Jésus. Je les ai mis tous les deux à côté sur mon mur en leur disant : “Vous avez des choses à partager !” » Pour Nathalie Sizaret, Marie et Jésus ne renvoient pas à la religion chrétienne mais sont des symboles, humains et sensibles, d’un amour et d’un accueil sans réserve. « Marie est cette femme qui a traversé le calvaire de son fils en restant dans la compréhension et dans la douceur, estime-t-elle. Elle me permet de parler de toutes les mères du monde, dotées d’un lien si fort à leur enfant, ainsi que d’un devoir de transmission pour tenter de rendre le monde un peu meilleur. »

Dans nos sociétés, la force de la douceur est parfois difficile à saisir. Les toiles de Nathalie Sizaret la donnent à ressentir.

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